L’égalité au cœur de la prévention des risques
Saviez-vous que, lors de l’évaluation des risques professionnels, il faut désormais distinguer l’impact pour les femmes et pour les hommes ? Trop souvent, les PME évaluent les dangers de manière « neutre », sans voir que certains risques touchent différemment leurs salariées et leurs salariés. Pourtant, la loi oblige depuis 2014 à prendre en compte l’impact différencié de l’exposition aux risques en fonction du sexe. En clair, le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) doit comporter, pour chaque danger identifié, une évaluation séparée pour les femmes et pour les hommes.
Au-delà de la conformité légale, intégrer l’égalité femmes-hommes dans le DUERP est un levier puissant pour améliorer la santé au travail et la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT) de tous. C’est aussi un signal fort envoyé aux collaborateurs et candidates : l’entreprise prend en compte les besoins spécifiques de chacun, renforçant ainsi son attractivité. Dans cet article, destiné aux dirigeants de PME et aux DRH, nous vous expliquons ce qu’est une évaluation différenciée selon le sexe dans le DUERP, quels en sont les enjeux concrets, quels écarts de risques on observe entre femmes et hommes, l’impact sur la prévention (y compris psychosociale et VSST – violences sexistes et sexuelles au travail), et enfin les premiers leviers d’action pour mettre en œuvre cette démarche.
Qu’est-ce qu’une évaluation différenciée selon le sexe dans le DUERP ?
L’évaluation différenciée selon le sexe consiste à analyser les risques professionnels en tenant compte des différences entre femmes et hommes, et à formaliser ces différences dans le DUERP. Il ne s’agit pas de faire deux documents uniques séparés, mais de veiller à évaluer chaque risque du point de vue des deux sexes. Cette approche a été introduite par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle, et elle est inscrite dans le Code du travail (art. L.4121-3) : « Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe ». Autrement dit, l’employeur doit évaluer si un même danger aura une gravité ou une fréquence différente selon qu’il concerne des travailleuses ou des travailleurs, et en tenir compte dans son plan d’action. En pratique, « le document unique doit contenir, face à chaque danger identifié, une évaluation propre aux femmes et une évaluation propre aux hommes ».
Pourquoi cette différenciation ? Parce que la réalité du travail n’est pas la même pour les femmes et pour les hommes. Dans de nombreuses entreprises, ils n’occupent pas les mêmes postes, ne réalisent pas exactement les mêmes tâches et n’ont pas les mêmes conditions de travail. Par exemple, un atelier ou un service peut être majoritairement masculin ou féminin : les risques qui y sont présents tendent alors à être invisibilisés ou sous-évalués s’ils touchent principalement l’autre genre. De plus, à poste égal, il existe souvent une répartition genrée des activités : certaines tâches sont davantage réalisées par les hommes ou par les femmes, ce qui crée des écarts d’exposition aux dangers.
Par ailleurs, un même risque peut avoir des effets différents sur la santé des femmes et des hommes. Cela tient à des facteurs biologiques (différences anatomiques, physiologiques, grossesse, etc.) mais aussi sociaux (inégalités de rôle, de charge mentale, etc.). Ainsi, ignorer le sexe dans l’évaluation des risques revient à passer à côté de ces spécificités. Prendre en compte les expositions et impacts différenciés dans le DUERP permet au contraire d’élaborer des mesures de prévention mieux adaptées à la réalité du travail, afin de réduire les inégalités de santé et d’améliorer les conditions de travail pour toutes et tous.
Enjeux concrets pour les PME : santé, attractivité et conformité
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Préserver la santé au travail de toutes et tous
En intégrant l’approche différenciée, l’employeur protège mieux ses salariés. Certains risques jadis sous-estimés (par exemple les troubles musculosquelettiques chez les femmes, ou les accidents graves chez les hommes) font l’objet d’actions ciblées, ce qui diminue les accidents du travail et les maladies professionnelles. Résultat : moins d’absentéisme et un personnel en meilleure santé. Rappelons qu’en moyenne les femmes ont aujourd’hui plus d’arrêts maladie que les hommes (30 à 40 % d’absences en plus, hors congés maternité/paternité) en raison d’un cumul de contraintes professionnelles et familiales. Mieux prévenir leurs risques spécifiques, c’est réduire ces absences et gagner en efficacité collective.
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Se conformer à la législation
L’évaluation genrée des risques n’est pas une option, c’est une obligation légale. En cas de contrôle de l’Inspection du travail, un DUERP ne prenant pas en compte l’impact différencié selon le sexe peut être considéré comme incomplet. Ne pas respecter cette exigence, c’est aussi manquer à son devoir général de sécurité. Les pouvoirs publics renforcent actuellement la sensibilisation sur ce point : un guide méthodologique de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) a été publié pour aider les entreprises à mettre en œuvre l’approche différenciée dans le DUERP. Ne pas agir, c’est prendre le risque d’être en défaut de conformité et d’exposer son entreprise à des critiques, voire à des sanctions, notamment dans le cadre plus large de l’égalité professionnelle femmes-hommes.
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Améliorer l’attractivité et la rétention des talents
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, offrir de bonnes conditions de travail peut faire la différence. Or, les secteurs dits « féminisés » – comme le soin, le nettoyage, l’aide à la personne – souffrent souvent d’un déficit d’attractivité lié à la pénibilité et à de moindres évolutions des conditions de travail. Il est urgent d’agir sur ces facteurs : « dans cette période post-pandémique, les enjeux d’attractivité des conditions de travail ou d’emploi sont au cœur des problématiques des secteurs qui peinent à recruter ». En déployant une prévention mieux adaptée (ex : équipements ergonomiques pensés pour tous les gabarits, organisation du travail plus souple pour concilier vie personnelle…), la PME renvoie l’image d’un employeur attentif à l’égalité au travail et au bien-être de chacun. Cela favorise la marque employeur et fidélise les salariés, tout en améliorant la productivité (moins de fatigue, plus d’engagement).
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Démarche RSE et performance globale
Intégrer l’égalité femmes-hommes dans la santé au travail s’inscrit pleinement dans une démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Les PME qui agissent sur ce levier montrent l’exemple et peuvent en tirer un avantage concurrentiel. De plus, une équipe en bonne santé, traitée équitablement, est plus performante. L’évaluation différenciée pousse à un dialogue social de qualité autour du DUERP : par exemple, le CSE (Comité Social et Économique) peut analyser les risques avec un regard “genre” (il doit d’ailleurs être consulté sur le DUERP en y prêtant attention notamment pour les femmes enceintes). Ce dialogue autour de la prévention égalitaire renforce la cohésion et la confiance au sein de l’entreprise.
Risques professionnels : des différences d’exposition bien réelles
Il existe de nombreux exemples de différences d’exposition aux risques entre les travailleuses et les travailleurs. Voici quelques situations concrètes à connaître :
Risques physiques et troubles musculosquelettiques (TMS)
Les hommes sont statistiquement plus exposés aux pénibilités physiques lourdes : port de charges, bruit, vibrations, travail en hauteur, utilisation d’outils ou de machines dangereuses, etc.. C’est en partie dû à la ségrégation professionnelle : par exemple, dans le BTP ou l’industrie manufacturière (métiers majoritairement masculins), on trouve beaucoup de manutention de charges lourdes et de nuisances physiques. À l’inverse, les femmes occupent plus souvent des emplois avec des gestes répétitifs, cadences soutenues et postures contraignantes, par exemple agentes d’entretien, aides-soignantes, caissières, ouvrières de certaines chaînes de production…. Ces gestes, a priori moins “lourds”, répétés des milliers de fois, engendrent une forte usure physique et des TMS (douleurs articulaires, troubles du dos, tendinites, etc.). Un rapport du Sénat rappelle que les métiers féminisés (entretien, aide à domicile, soins, etc.) concentrent des conditions de travail pénibles : horaires décalés ou rigides, postures éprouvantes, forte charge mentale et parfois des comportements hostiles du public.
Chiffres-clés : Les TMS sont la première cause de maladie professionnelle en France (86 % des maladies professionnelles reconnues en 2021). Or 60 % des personnes atteintes de TMS sont des femmes. Le taux de fréquence des TMS reconnus est presque 1,5 fois plus élevé chez les femmes (17,8) que chez les hommes (11,5) ; chez les ouvrières, on recense 74 cas de TMS par million d’heures, contre 24 pour les ouvriers. De plus, la gravité des TMS (durée des arrêts, séquelles) est supérieure chez les femmes dans toutes les catégories socio-professionnelles : par exemple, l’indice de gravité des TMS des ouvrières est trois fois plus important que celui des ouvriers. Ces écarts s’expliquent par la nature du travail (les femmes sont très exposées aux TMS dans le secteur sanitaire et social, le nettoyage, l’agroalimentaire…) et par une moindre adaptation des postes de travail à leur morphologie ou à leur organisation de travail.
Autre exemple concret : même au sein d’une équipe mixte, on observe une répartition genrée des tâches physiques. Dans le nettoyage industriel, une étude ergonomique a montré que « les femmes sont plus souvent affectées aux tâches qualifiées de “légères”, mais répétitives, comme passer le chiffon ou nettoyer les toilettes, alors que les hommes le sont aux tâches “lourdes”, comme s’occuper des sols, conduire les machines, porter des sacs de déchets ». Conséquence : les femmes accumulent des micro-traumatismes et de la fatigue nerveuse, tandis que les hommes font face à des pics d’effort et un risque d’accident immédiat. Chacun y perd si la prévention n’est pas adaptée. Une évaluation différenciée permettra ici de proposer des solutions ciblées : rotation des tâches pour soulager la répétitivité, mécanisation de certaines charges lourdes, équipements ergonomiques pensés pour les deux sexes (par exemple, outils avec des manches adaptés à des mains plus petites, limiteurs de charge, etc.), ou encore limites d’exposition spécifiques.
Enfin, notons que la réglementation française comporte déjà quelques distinctions liées au sexe sur certains risques physiques : par exemple, le Code du travail définissait historiquement des limites de poids à porter différentes pour les femmes et les hommes (même si aujourd’hui l’effort doit surtout être adapté à chaque individu), et des mesures de protection particulières existent pour les travailleuses enceintes (aménagement de poste, interdiction de porter des charges trop lourdes, etc.). Ces dispositions illustrent que les capacités physiologiques peuvent différer et doivent être considérées dans l’analyse des risques.
Risques psychosociaux et violences sexistes (RPS/VSST)
Les risques psychosociaux (stress, surcharge,
harcèlement moral, burn-out, etc.) et les violences sexistes
et sexuelles au travail ne touchent pas les femmes et les
hommes de la même manière. D’une part, les femmes reportent
davantage de situations de harcèlement sexuel ou de sexisme
ordinaire au travail : selon un sondage OpinionWay,
66 % des Françaises déclarent avoir déjà subi du sexisme au
travail. Réflexions déplacées, stéréotypes, mises à
l’écart ou plaisanteries douteuses sont le quotidien de nombreuses
femmes, là où les hommes sont beaucoup moins exposés à ces
comportements. Intégrer la dimension VSST dans le DUERP signifie
repérer ces situations à risque (par exemple : absence de
vestiaires séparés sur un chantier majoritairement masculin,
culture d’entreprise tolérant les blagues sexistes, isolement
d’une femme dans une équipe d’hommes…) et prévoir des actions
de prévention : formation et sensibilisation du
personnel, procédures de signalement, charte de bonne conduite, etc.
D’autre part, les femmes expriment souvent une souffrance psychosociale liée à un manque de reconnaissance et d’autonomie au travail. Les études montrent qu’elles ont en moyenne moins de marge de manœuvre et de soutien que leurs collègues masculins. Elles occupent aussi plus de postes à horaires contraignants (travail le week-end, planning non négociable) tout en assumant la majorité des charges familiales, ce qui accroît le stress et la fatigue. Les hommes, de leur côté, subissent d’autres pressions psychosociales : ils effectuent plus d’heures supplémentaires, sont plus souvent sollicités en dehors du travail ou envoyés en déplacement, et connaissent une pression à la performance parfois forte. L’évaluation différenciée doit permettre d’identifier ces différences pour chaque unité de travail. Par exemple, dans un service commercial où les hommes partent souvent en mission à l’étranger (risque de stress, déconnexion difficile) et où les femmes gèrent l’administration avec des délais serrés (risque de tension nerveuse, ennui ou manque de valorisation), les facteurs de risques psychosociaux ne seront pas identiques. Il faudra donc proposer des mesures adaptées : droit à la déconnexion, aménagement des horaires, renforcement du soutien managérial, lutte contre les stéréotypes de genre dans les promotions, etc.
En prenant en compte la dimension de genre dans les RPS, on améliore la QVCT globalement. Une équipe où chacun se sent respecté et soutenu, quel que soit son sexe, est moins en proie au stress chronique. À l’inverse, ignorer les signes de malaise spécifiques (par exemple le sexisme banalisé qui mine la confiance des collaboratrices, ou la sur-sollicitation de certains salariés hommes perçus comme toujours disponibles) peut conduire à des burn-out, des conflits ou des départs.
Zoom sur les VSST : Les violences sexistes et sexuelles au travail englobent le harcèlement sexuel, les agressions, mais aussi le sexisme « ordinaire » (propos, attitudes discriminatoires). Ces risques concernent en immense majorité les femmes en tant que victimes, même s’il existe des hommes victimes également. Ils doivent figurer dans le DUERP comme des risques à part entière, avec une évaluation de la fréquence/gravité. Par exemple, un risque de « harcèlement sexuel par des clients » peut être identifié dans certains commerces ou établissements de santé, et il conviendra d’indiquer si ce risque est particulièrement élevé pour le personnel féminin (ce qui est souvent le cas) et quelles mesures de prévention existent (ex : jamais laisser une employée seule de nuit, installer des dispositifs d’alerte, sensibiliser les clients par affichage, etc.). De même, un risque de harcèlement moral interne pourra être analysé finement : dans certains milieux très masculins, les femmes peuvent subir un harcèlement moral teinté de sexisme (mise à l’écart, dénigrement de compétences), tandis que dans d’autres contextes, les hommes peuvent être victimes de moqueries s’ils occupent un poste « féminin ». L’approche différenciée permet de ne pas passer à côté de ces nuances cruciales, afin de bâtir un plan d’action de prévention des RPS et VSST réellement efficace.
Impact sur la QVCT et la prévention durable des risques
Intégrer l’égalité femmes-hommes dans l’évaluation des risques professionnels n’est pas une contrainte bureaucratique de plus : c’est au contraire une opportunité d’améliorer durablement la prévention et la qualité de vie au travail. En prenant en compte les différences d’exposition et de vulnérabilité, on déploie des plans d’actions plus justes et plus efficaces. Par exemple, si l’analyse révèle que les TMS touchent beaucoup les salariées d’un atelier, l’employeur pourra investir dans du matériel ergonomique ou revoir l’organisation du travail pour elles – ce qui profitera au passage à l’ensemble de l’équipe. De même, en identifiant qu’un service est miné par des attitudes sexistes, l’entreprise pourra mener des actions ciblées (formation, sanctions des comportements déplacés) qui rendront le climat de travail plus serein pour tout le monde.
Au final, adopter une approche différenciée dans le DUERP vise un double bénéfice : réduire les inégalités de santé au travail (ne plus laisser certaines catégories de personnel “accumuler” les risques en silence) et améliorer les conditions de travail pour toutes et tous. C’est un élément clé pour tendre vers l’égalité professionnelle réelle. Rappelons que l’égalité professionnelle ne se limite pas aux salaires ou aux carrières : elle passe aussi par une égalité face à la santé et la sécurité au travail. Une femme ne devrait pas avoir plus de chances qu’un homme de finir sa journée avec un mal de dos ou en pleurs à cause d’un collègue irrespectueux ; un homme ne devrait pas risquer sa vie sur un chantier sans qu’on ait évalué précisément les dangers inhérents à son poste. Chaque risque maîtrisé dans une perspective de genre est un pas de plus vers une entreprise inclusive et performante.
Enfin, améliorer la prévention de façon différenciée contribue à la pérennité de l’entreprise. En anticipant mieux les problèmes (par exemple, un départ massif de femmes dans un secteur devenu trop pénible, ou au contraire la difficulté à fidéliser des hommes dans un métier perçu comme peu valorisant ou trop stressant), la PME se donne les moyens d’adapter ses organisations de travail. On touche ici à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences : des conditions de travail adaptées, équitables et évolutives participent à garder les talents et à éviter l’usure prématurée de la main-d’œuvre.
Premiers leviers d’action accessibles pour les PME
Envie de passer à l’action et d’intégrer concrètement l’égalité femmes-hommes dans votre DUERP ? Voici quelques leviers simples à la portée des petites et moyennes entreprises :
Faire parler les chiffres de votre entreprise
Commencez par analyser vos données internes en les différenciant par sexe. Quel est le taux d’accidents du travail des femmes vs. des hommes sur les dernières années ? Y a-t-il un écart dans les maladies professionnelles déclarées, les absences pour maladie, les restrictions médicales ou les postes inadaptés ? À titre d’exemple, au niveau national on constatait en 2019 plus de 650 000 accidents du travail, dont 63 % concernaient des hommes et 37 % des femmes. Mais cette moyenne cache une progression des accidents féminins (+41,6 % entre 2001 et 2019) alors que ceux des hommes diminuaient sur la même période. Votre entreprise a-t-elle connu ce type d’évolution ? Repérer de tels indicateurs en interne (même sur de petits effectifs) peut révéler des zones de risque spécifiques à un sexe. Par exemple, si 80 % des accidents du site concernent des hommes, peut-être sont-ils plus exposés à un danger particulier ; si à l’inverse ce sont surtout des femmes qui partent en maladie professionnelle (TMS, troubles psychiques…), c’est un signal fort pour agir sur leurs conditions de travail.
Impliquer vos salariés et vos représentants
La meilleure façon d’identifier les risques différenciés, c’est de donner la parole aux premiers concernés. Constituez des groupes de travail mixtes sur la santé au travail, ou discutez-en en CSE (Comité Social et Économique) si vous en avez un. Le CSE, via sa Commission Santé Sécurité au Travail, a pour mission d’analyser les risques pros et doit être consulté sur le DUERP ; il est explicitement chargé de considérer notamment la situation des femmes (par exemple les femmes enceintes). Profitez-en pour aborder la question : « Voyez-vous des risques spécifiques aux femmes ou aux hommes dans telle activité ? ». Les retours de terrain sont précieux : une salariée osera peut-être signaler que l’EPI fourni (ex : gants, outils) n’est pas à sa taille, ou qu’elle subit des remarques sexistes régulières de la part d’un client. De son côté, un salarié pourra exprimer que la manutention est trop lourde à certains postes ou qu’il se blesse souvent en essayant de compenser un manque de personnel. Croiser ces témoignages aide à objectiver les différences et à nourrir le DUERP de façon qualitative.
Évaluer chaque danger avec un “angle genre”
Lors de la mise à jour du DUERP, pour chaque risque identifié, posez-vous systématiquement la question : Ce risque touche-t-il différemment les femmes et les hommes ? Par exemple, l’exposition au risque chimique peut varier si les femmes sont majoritaires dans un atelier où l’on manipule un solvant particulier (donc plus exposées en nombre) ou si ce solvant a des effets différenciés (par ex. perturbateur endocrinien affectant la fertilité féminine). Indiquez dans le DUERP, en face du risque, deux niveaux d’évaluation si nécessaire : un niveau de risque pour les salariés hommes, et un pour les salariées femmes. S’ils sont identiques tant mieux, mais s’ils diffèrent, notez-le et expliquez pourquoi. Par exemple : « Risque de chute de hauteur : niveau modéré pour les hommes, car ils sont formés au travail en hauteur et équipés ; niveau faible pour les femmes, car aucune femme n’occupe ce type de poste en 2023 ». Ou inversement : « Risque de lombalgie liée à la manipulation de patients : niveau élevé pour les femmes, qui représentent 90 % des effectifs aides-soignants et réalisent la plupart des transferts de patients lourds ; niveau modéré pour les hommes, moins nombreux et plus souvent affectés à des tâches techniques ». Cet exercice pousse à être concret et à chercher des solutions de prévention ciblées pour réduire ces écarts.
Former et sensibiliser vos équipes encadrantes
Intégrer la notion de risques genrés peut demander un petit changement de culture dans l’entreprise. Il est utile de former les responsables RH, managers, référents sécurité/HSE à ces enjeux. Des organismes comme l’Anact, votre Service de Prévention et de Santé au Travail (anciennement médecine du travail) ou des consultants en prévention peuvent vous proposer des modules de formation ou des guides pratiques. Par exemple, le guide méthodologique de l’Anact publié en 2025 fournit des repères concrets pour « opérationnaliser l’approche différenciée selon le sexe dans l’évaluation et la prévention des risques ». N’hésitez pas à diffuser des fiches de sensibilisation sur le sujet, ou à inscrire ce thème à l’ordre du jour de vos réunions CSSCT/CSE. Cultiver un réflexe “égalité” dans la santé-sécurité au travail permettra à chacun de devenir acteur d’une prévention plus inclusive.
Agir sur les premiers facteurs de risque identifiés
Une fois les différences d’exposition repérées, passez aux solutions. Inutile de tout transformer du jour au lendemain : ciblez quelques mesures prioritaires et accessibles. Par exemple : acheter du matériel ergonomique adapté (ex : chariots de manutention électriques pour éviter aux hommes comme aux femmes de porter des charges au-delà de leurs capacités), adapter les équipements de protection individuelle (fournir des tailles de chaussures ou de vêtements fluorescents convenant aux femmes), réaménager un poste de travail (hauteur de plan de travail ajustable pour s’adapter aux morphologies variées), mettre en place un système de tutorat pour accompagner les femmes sur des postes techniques traditionnellement masculins (et vice-versa), ou encore établir une procédure claire de traitement des incidents de sexisme/harcèlement. Chaque action, même modeste, compte : par exemple, afficher les statistiques internes d’accidents par sexe et en discuter avec les équipes peut déjà faire évoluer les représentations et inciter chacun à la vigilance sur les risques de l’autre sexe. L’objectif est d’engager une amélioration continue, en montrant que l’entreprise prend au sérieux tous les risques, pour tous ses salariés.
En conclusion, réaliser une évaluation différenciée des risques professionnels entre les femmes et les hommes est un investissement gagnant-gagnant. Pour l’entreprise, c’est gage de conformité réglementaire, de performance sociale et d’image positive. Pour les salariés, c’est la promesse d’une prise en compte équitable de leur santé et sécurité, et donc d’un meilleur bien-être au travail. La route vers l’égalité professionnelle passe aussi par là : un DUERP qui reflète la réalité de terrain de chaque femme et de chaque homme, pour que chacun bénéficie d’une prévention adaptée et d’une véritable égalité des chances face aux risques du métier. En tant que dirigeant de PME ou DRH, vous avez le pouvoir d’impulser cette démarche dès aujourd’hui – et les sources d’information ne manquent pas pour vous y aider. Alors n’attendez plus : faites de votre DUERP un outil au service de l’égalité femmes-hommes et de la santé au travail pour tous !
Lien pour Télécharger le guide de l'anac :
https://www.anact.fr/duerp-evaluation-differenciee-risques-femmes-hommes