Dans un contexte de guerre des talents et de recherche de performance, les entreprises ont besoin d’outils efficaces pour repérer, développer et fidéliser leurs collaborateurs clés. La matrice à 9 cases, connue aussi sous le nom de 9-box grid, est un outil visuel de gestion des talents largement utilisé en ressources humaines depuis des décennies. Cet outil permet d’évaluer simultanément la performance actuelle et le potentiel futur de chaque employé, afin de les classer en neuf catégories et d’adapter les actions de développement en conséquence. Ce faisant, la matrice 9-box offre aux managers et RH une boussole stratégique pour identifier les futurs leaders, accompagner les collaborateurs en difficulté et planifier la relève de manière proactive.
Principe et axes de la matrice 9 cases

La matrice 9 cases se présente sous la forme d’une grille 3x3 où chaque axe correspond à un critère d’évaluation. L’axe horizontal représente la performance du collaborateur dans son poste actuel (de faible à élevée), tandis que l’axe vertical représente son potentiel d’évolution ou de progression dans le futur (de faible à élevé). En croisant ces deux dimensions, chaque employé peut être positionné dans l’une des neuf cases de la grille, correspondant à une combinaison spécifique de performance et de potentiel.
Concrètement, les ressources humaines et managers évaluent d’abord la performance de l’employé (atteinte des objectifs, qualité du travail, etc.), puis estiment son potentiel de développement (capacités d’apprentissage, leadership, ambition, adaptabilité). Par exemple, un collaborateur très performant et à fort potentiel sera placé en haut à droite de la grille (case « haute performance – haut potentiel »), tandis qu’un employé en difficulté avec peu de potentiel se retrouvera en bas à gauche (« faible performance – faible potentiel »). La méthode a été popularisée chez General Electric dans les années 1980 sous l’impulsion de Jack Welch, et reste aujourd’hui un pilier des processus de people review et de planification des successions dans de nombreuses organisations.
Les 9 cases : profils types et actions recommandées
Chaque case de la matrice correspond à un profil de collaborateur particulier, pour lequel sont préconisées des actions de gestion des talents spécifiques. Voici le détail des 9 cases de la grille performance/potentiel et les stratégies généralement associées à chacun de ces profils :

Potentiel élevé / Faible Performance – « Diamant brut »
Ce sont les collaborateurs au fort potentiel (compétences, motivation, aptitudes) mais dont la performance actuelle est faible. Souvent de jeunes recrues ou des personnes inexpérimentées, ils n’ont pas encore eu l’occasion de prouver leur valeur ou sont peut-être mal positionnés pour l’instant. Que faire : considérer qu’ils sont en apprentissage. Il faut clarifier les attentes, leur donner du feedback constructif, et surtout investir dans leur formation et leur montée en compétence. Un mentorat par un employé expérimenté peut également accélérer leur progression. Avec du soutien et plus d’expérience, ces « diamants bruts » peuvent devenir les talents modèles de demain.
Potentiel élevé / Performance modérée – « Talent en devenir » :
Ce profil concerne un collaborateur dont les performances actuelles sont correctes sans être excellentes, mais qui dispose d’un fort potentiel de développement. En d’autres termes, il « s’en sort bien maintenant, et est capable de faire bien plus encore ». Que faire : c’est un candidat idéal pour progresser, il convient de lui proposer des opportunités de développement. Par exemple, fixez-lui des objectifs stimulants et rencontrez-le régulièrement pour suivre ses progrès. Offrez-lui des formations avancées, des missions plus complexes ou des projets transverses afin de le faire monter en puissance graduellement. L’idée est d’augmenter progressivement sa performance en capitalisant sur son potentiel élevé, pour qu’il devienne un haut performeur à l’avenir.
Potentiel élevé / Haute Performance – « Talent clé »
C’est la case idéale tout en haut à droite, celle des meilleurs éléments qui allient haute performance et fort potentiel. Ces collaborateurs sont souvent considérés comme les futurs leaders de l’organisation. Ils obtiennent déjà d’excellents résultats et disposent encore d’une marge de progression importante. Que faire : surtout, investir du temps et des ressources pour ces talents clés. Confiez-leur des projets spéciaux, des opportunités de leadership, et donnez-leur des défis à la hauteur de leur talent. Veillez également à prévenir tout risque de burn-out en les accompagnant sur la gestion de la charge de travail. Si les promotions immédiates sont limitées, trouvez des moyens de les faire évoluer (promotions transversales, expansion de leur périmètre, etc.) et augmentez leur visibilité dans l’entreprise. L’objectif est de les garder engagés et satisfaits, car ce sont eux qui pourraient occuper demain des postes stratégiques. Assurez-vous qu’ils se sentent reconnus et challengés, afin de les fidéliser sur le long terme.
Potentiel modéré / Faible Performance – « Potentiel mal exploité »
On trouve ici des collaborateurs qui n’atteignent pas les objectifs attendus bien qu’ils disposent de capacités correctes. Souvent, ces employés « font juste le minimum » pour conserver leur poste et manquent de motivation ou d’encadrement. Que faire : identifier ce qui les freine (problèmes d’intégration, objectifs flous, difficultés personnelles) et leur offrir un accompagnement ciblé. Cela peut passer par de la formation supplémentaire, du mentorat ou un meilleur coaching afin d’améliorer leurs performances au fil du temps. Il convient de suivre leurs progrès et de les réévaluer régulièrement pour voir si ces efforts portent leurs fruits.
Potentiel modéré / Performance modérée – « Performant moyen »
Ce profil correspond à un collaborateur moyen sur tous les plans – il remplit la plupart de ses objectifs sans briller, et possède un potentiel de progression limité ou incertain. Que faire : ces employés fiables peuvent nécessiter un soutien spécifique pour monter en compétence, ou au contraire une réévaluation de leur poste si celui-ci n’est pas pleinement adapté. On pourra élaborer un plan de développement individuel si l’on identifie chez eux une marge de progression particulière, par exemple en les formant sur de nouvelles compétences. En revanche, s’ils semblent avoir atteint un plateau, il faudra surtout veiller à ce qu’ils maintiennent leur performance actuelle, sans les mettre sous une pression d’évolution qu’ils ne pourraient soutenir.
Potentiel modéré / Haute Performance – « Acteur clé »
Ici on retrouve les performeurs fiables de l’entreprise, ceux qui excellent dans leur poste actuel, avec un potentiel d’évolution présent mais non maximal. Ces employés sont souvent des éléments clés des équipes, contribuant fortement aux résultats. Que faire : il faut avant tout les fidéliser et les garder engagés. Discutez de leurs objectifs de carrière et assurez-vous de maintenir leur motivation. Vous pourrez leur proposer de nouvelles responsabilités à court terme (gérer un projet, encadrer une petite équipe, etc.) afin de satisfaire leur envie de progression tout en testant leur capacité à aller plus loin. Préparez-les à de futures promotions si elles sont envisageables, ou à défaut, offrez-leur des défis latéraux pour qu’ils ne stagnent pas. L’essentiel est de capitaliser sur leur excellente performance actuelle tout en développant le potentiel qu’ils ont encore en réserve.
Faible Potentiel / Faible Performance – « Sous-performant »
Ce sont les collaborateurs en sous-performance chronique, qui contribuent peu aux objectifs actuels et dont l’amélioration semble peu probable sans intervention. Ils ne sont peut-être pas au bon poste et ont du mal à réussir leurs tâches. Que faire : avoir un entretien franc pour cerner le problème, envisager un changement de rôle plus adapté, et si aucune amélioration n’est possible, prendre la décision de les laisser partir. Il s’agit souvent de « mauvaises embauches » qu’il faut soit recadrer, soit écarter pour le bien de l’organisation.
Faible Potentiel / Performance modérée – « Contributeur stable »
Ce profil correspond à des employés dont la performance est acceptable (sans être exceptionnelle) mais dont le potentiel d’évolution est limité. Ils font correctement leur travail et sont fiables, sans ambition marquée pour évoluer. Que faire : reconnaître leur contribution et les former progressivement sur des aspects ciblés pour maintenir leur engagement. On évitera de trop les pousser vers des promotions, mais on peut les impliquer dans des projets à leur échelle pour optimiser leurs compétences actuelles et garantir qu’ils restent performants dans leur rôle.
Faible Potentiel / Haute Performance – « Contributeur solide »
Il s’agit des employés très performants dans leur poste actuel, mais qui n’ont pas vraiment de potentiel d’évolution ou d’intérêt pour gravir les échelons. On peut les considérer comme des experts à leur poste ou des piliers opérationnels (“workhorses”) sur qui l’on peut compter. Que faire : surtout, ne pas forcer ces collaborateurs vers une promotion qu’ils ne souhaitent pas ou pour laquelle ils ne sont pas taillés. Mieux vaut les garder motivés dans leur rôle actuel : valorisez leur travail constant, récompensez-les équitablement, et éventuellement proposez-leur de mentorer d’autres employés ou de participer à des projets spécifiques pour varier leurs missions. En cas de changement organisationnel affectant leur poste, accompagnez-les vers un rôle similaire où ils pourront continuer d’exceller.
Intégration dans les processus RH et évaluation de la performance

La matrice 9-box est plus qu’un simple exercice de classification : c’est un outil central pour piloter la gestion des carrières et la performance globale au sein de l’entreprise. Intégrée aux revues de personnel et aux comités de talent management, elle offre une vue d’ensemble partagée des forces et faiblesses de l’organisation. Les dirigeants et RH peuvent ainsi anticiper les besoins : identifier les hauts potentiels à préparer pour des postes clés, détecter les profils à risque (sous-performants) nécessitant une action, et planifier des actions de développement (formations, coaching, mobilité) pour chaque catégorie de collaborateurs. En ce sens, la grille 9 cases s’apparente à un audit structuré des performances et potentiels au service de la stratégie RH.
De plus, utilisée de façon dynamique, la matrice permet de suivre l’évolution des employés dans le temps. Il est recommandé de ne pas en faire un outil figé : les évaluations doivent être mises à jour régulièrement (par exemple lors des bilans trimestriels ou annuels) pour refléter les progrès ou les changements de contexte. L’outil encourage également des discussions franches entre managers et collaborateurs sur les objectifs et les opportunités de développement, ce qui renforce la transparence et la confiance dans les décisions RH.
Attention toutefois à éviter les écueils d’un usage maladroit. La matrice ne doit pas devenir une étiquette définitive : positionner un employé dans une case « faible potentiel » ou « sous-performant » sans perspective d’évolution peut le démotiver et créer un sentiment d’injustice. Il est donc crucial de présenter la 9-box comme un outil évolutif, au service de la progression de chacun, et non comme un jugement figé. En combinant la matrice avec des critères objectifs d’évaluation et un dialogue ouvert, on s’assure qu’elle joue pleinement son rôle d’aide à la décision équitable et stratégique dans l’intégration des RH et l’amélioration de la performance.
En résumé
La matrice performance/potentiel à 9 cases permet de positionner les collaborateurs en fonction de leur performance actuelle et de leur potentiel futur, pour adopter une gestion différenciée des talents. À chaque case correspond une stratégie de développement adaptée : cela peut aller de la formation ou du coaching pour faire progresser un talent en devenir, à la motivation et la fidélisation des acteurs clés, en passant par le repositionnement d’un potentiel mal exploité, ou dans les cas les plus difficiles, la séparation avec un collaborateur sous-performant. En somme, cet outil aide les managers et les RH à prendre du recul sur leur équipe et à définir des plans d’actions personnalisés – qu’il s’agisse de former, coacher, motiver, repositionner ou se séparer – afin que chaque collaborateur soit à la bonne place et puisse donner le meilleur de lui-même. En intégrant la matrice 9-box dans les processus RH (évaluations, plans de succession, revues de performance), l’entreprise se dote d’un levier puissant pour aligner le développement des talents avec sa performance globale sur le long terme.